Cannabidiol et cannabinoïdes : nécessité d’une évaluation pharmacologique approfondie à des fins d’expertise clinique et réglementaire

2019 
Introduction Les phytocannabinoides et les cannabinoides de synthese ont des effets tres varies qu’il importe de caracteriser pour mieux preciser les effets de chacun et leurs eventuelles interactions : de ces evaluations vont decouler leurs statuts reglementaires. Apres une revue des effets pharmacologiques des cannabinoides, seront presentees les donnees actualisees concernant le cannabidiol (CBD) et les necessites d’explorations complementaires. Methodes Revue de la litterature a partir de publications indexees dans MEDLINE, EMBASE, Cochrane Library, Google Scholar en utilisant des mots-cles suivants : cannabidiol / cannabinoids / synthetic cannabinoids / cannabigerol . Resultats Le CBD est l’un des principaux phytocannabinoides present dans Cannabis sativa , avec le THC. En France, la large diffusion du CBD est amplifiee par une imposture frequente d’appellation (« cannabis medical », « cannabis legal ») et par des allegations fausses ou non prouvees : – d’absence de psychoactivite ; – d’efficacite therapeutique pour des pathologies variees. Comme le CBD n’a pas d’effet agoniste CB1 aux concentrations plasmatiques rencontrees lors d’administration orale ou fumee de doses meme elevees de CBD, il ne peut pas etre propose comme un « traitement de substitution des cannabinoides » et ne peut donc reduire les manifestations cliniques d’un syndrome de sevrage de cannabis ni prevenir une rechute d’addiction. « Proposer » le CBD dans une cigarette electronique avec une allegation de traitement medical est particulierement deletere. Le CBD, en revanche, a des effets sur differents autres recepteurs (5HT 1A , D 2 , TRP ou transient receptor potential , GABA, etc.) qui pourraient expliquer certains effets neurologiques et psychoactifs (sedation, somnolence, effet anticonvulsivant). Le potentiel addictogene du CBD n’est pas suffisamment evalue pour pouvoir ecarter tout risque, notamment de potentialisation d’addiction a d’autres substances [1] . Quand le potentiel therapeutique du CBD sera evalue pour des syndromes epileptiques severes (syndromes de Dravet et Lennox–Gastaut), le profil d’effets indesirables sera etudie et permettra de mieux evaluer le rapport benefice/risque. Parmi les nombreux recepteurs cerebraux stimules par le CBD, les effets via l’agonisme 5HT 1A et D 2  constituent les deux principaux « profils » d’effets therapeutiques (potentiels) mais aussi indesirables. De surcroit, la grande palette d’interactions medicamenteuses potentielles, du fait de ses effets inhibiteurs sur differents cytochromes hepatiques, sera source de nouveaux effets indesirables. La publicite en faveur d’un usage du CBD (non classe sur une liste de stupefiants) peut constituer, implicitement, une incitation a la promotion et a l’usage de cannabis et donc une provocation a l’usage de stupefiants : selon les publics, les promoteurs du CBD insistent soit sur l’absence de classement ONU de ce phytocannabinoide, soit sur son effet anxiolytique. Pourtant, la presence de THC (meme a concentration minime apres l’extraction du CBD) dans les preparations proposees a la vente constitue une infraction a la legislation actuelle sur les stupefiants, ce qui peut reduire l’accessibilite du CBD. D’autres cannabinoides (cannabigerol, etc.) pourraient « remplacer » le CBD sous les feux mediatiques, ce qu’il faut anticiper. Conclusion Une evaluation approfondie des effets pharmacologiques et toxicologiques du CBD, incluant son potentiel d’abus, est indispensable pour permettre une communication scientifique etayee, assurer la prevention du mesusage et demasquer diverses impostures mediatisees.
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