Cahiers de recherches médiévales et humanistes

2016 
This article offers a late medieval military historian’s reading of the Quadrilogue invectif. This work was written in 1422 by Alain Chartier, notary and secretary to the dauphin Charles, then regent of the kingdom of France and later Charles VII. It was probably composed at Bourges, before Chartier had heard news of the death of Henry V, who, thanks to the Treaty of Troyes of 1420, was jointly king of England and regent of France. This reading seeks to highlight the fact that in this text, France, represented in a human form, is shown to regard the attitude of the nobility as being the prime cause of her misfortunes. The clergy is almost entirely spared by his criticism. As for the common people (« le peuple »), while they are shown to bear some share of the blame, it is only minimal. Hence the treatise puts forward a general programme for good military governance, one resting on a certain number of measures and implying a new spirit, which is above all a return to the victorious age of Charles V. For Chartier, only the nobility of the kingdom – with a renewed sense of loyalty – is capable of conducting itself according to the military code of justice (« justice d’armes »), acting under the prince’s strict control, by virtue of the very nature of their office. The « people without land and without homes », who are recruited « by gifts and prayers » cannot be trusted. We are here a long way from the model of a professional army, recruited from volunteers and mercenaries. In expressing himself in this way, Chartier was probably speaking not only for himself, but also for his colleagues. Clearly, his remarks were inspired by the context in which they were written. However, the undeniable literary quality of the Quadrilogue, the richness of its historical and cultural references and the range of themes surveyed all ensured the text’s survival, since its message was sufficiently broad to be applicable to other eras. It is notable that two English translations of the text exist, both dating from the second half of the 15 century. Resume : La lecture ici proposee du Quadrilogue invectif qu’Alain Chartier, notaire et secretaire du dauphin Charles, futur Charles VII, alors regent du royaume de France, composa en 1422, sans doute a Bourges, avant qu’il n’apprenne la mort la meme annee de Henri V, conjointement roi d’Angleterre et lui aussi regent du royaume de France en vertu du traite de Troyes de 1420, emane d’un historien de la chose militaire a la fin du Moyen Âge. Cette lecture entend mettre en vedette le fait que la France personnifiee voit dans l’attitude de la noblesse la cause essentielle de ses malheurs. Le clerge est totalement epargne. Quant au « peuple », il porte certes une part de responsabilite mais minime. C’est donc un programme general de bon gouvernement militaire qui est propose, reposant sur un certain nombre de mesures et impliquant un esprit nouveau, qui est surtout un retour a l’epoque victorieuse de Charles V. Pour Chartier, seule la noblesse du royaume, redevenue loyale, est susceptible, parce que tel est son office, de se comporter selon la « justice d’armes », agissant sous le strict controle du prince, et non pas ces « gens sans terre et sans maison », recrutes « par dons et par prieres », auxquels il n’est pas possible de se fier. On est encore tres loin du modele d’une armee de metier, recrutee sur la base du volontariat et du mercenariat. En s’exprimant de la sorte, Chartier parlait en son nom propre mais sans doute aussi au nom de Philippe CONTAMINE 38 ses collegues. A l’evidence, les circonstances avaient inspire son propos. Toutefois les indeniables qualites litteraires, la richesse des references historiques et culturelles, l’ampleur de la thematique, assurerent la survie du texte, d’autant que le message etait suffisamment large pour s’appliquer a d’autres epoques. Il est remarquable qu’il en existe deux traductions anglaises datant de la deuxieme moitie du XV siecle. C’est en « historien », specialiste invetere des armees des rois de France, et non en « litteraire », que je me propose, apres bien d’autres, de gloser sur la belle prose du Quadrilogue invectif [desormais Quadrilogue], chef-d’œuvre de la litterature de protestation, d’exhortation et de persuasion, du a la plume d’un « indigne », plein de colere et d’objurgations, d’un « clerc engage » – un texte pour lequel nous disposons desormais d’une nouvelle edition, celle de Florence Bouchet, qui vient tout juste de paraitre et a laquelle, necessairement, je me refere. La legitimite du present colloque vient d’abord de ce que le siecle de la guerre dite de Cent ans, courant des annees 1360 aux annees 1460, vit la production en France d’une litterature politique, majoritairement en langue vulgaire, a la fois abondante et variee, inspiree directement ou indirectement par le conflit francoanglais et ses enjeux. Or, et c’est ma deuxieme remarque, longtemps restee dans l’ombre, cette litterature, depuis deux generations, a ete exhumee ou exaltee, soit par des editions, soit par des etudes a son sujet. Je prends comme exemple Edouard Perroy, auteur du livre de reference, a bien des egards remarquable et meme novateur, notamment dans son souci de traiter a egalite des deux protagonistes, intitule La Guerre de Cent ans. Le nom d’Eustache Deschamps y apparait une fois, de facon d’ailleurs assez dedaigneuse, une fois aussi Christine de Pizan, une fois Evrard de Tremaugon et le Songe du Vergier, trois fois Philippe de Mezieres, qualifie a juste titre de « pieux chevalier », mais ni Jean de Montreuil, ni Jean de Terrevermeille, ni les traites politiques de Jean Juvenal des Ursins, ni Robert Blondel ne sont meme mentionnes. Chose encore plus surprenante : l’absence d’Alain Chartier. Cette discretion, ou ce silence, s’explique par la preference qu’Edouard Perroy accordait, et que beaucoup d’historiens accordaient a son epoque, aux actes de la pratique, a l’archive ; il s’explique aussi par le fait que plusieurs de ces auteurs demeuraient inedits ou d’un acces difficile. Tel n’est plus le cas aujourd’hui, et l’on serait impardonnable, pour ne retenir que quelques exemples, d’evoquer de facon tant soit peu approfondie la guerre de Cent ans en omettant ou en negligeant le Tragicum argumentum de miserabili statu regni 1 Alain Chartier, Le Quadrilogue invectif, ed. Fl. Bouchet, Paris, Champion, 2011 [desormais, dans les notes, QI]. Cette edition remplace celle d’E. Droz (2 edition : 1950). Il convient d’y ajouter la traduction annotee par Fl. Bouchet, Paris, Champion, 2002. L’expression « clerc engage » est de cette derniere. 2 E. Perroy, La Guerre de Cent ans, Paris, Gallimard, 1945. 3 Par rapport a Geoffroy Chaucer, est-il dit, « notre Eustache Deschamps n’est qu’un rimeur de cour, qui met en ballades l’actualite politique, militaire et religieuse » (ibid., p. 173). 4 Ibid., p. 119. 5 Ibid., p. 141. 6 Ibid., p. 158, 165 et 173. Le Quadrilogue invectif d’Alain Chartier (1422) 39 Francie de Francois de Montebelluna (1357), le « Traite du sacre » de Jean Golein, le Somnium Viridiarii (1376) et le Songe du Vergier (1378) d’Evrard de Tremaugon, l’Epistre au roy Richart (1395) de Philippe de Mezieres, les traites en latin et en francais de Jean de Montreuil, les traites (1419) de Jean de Terrevermeille, les quatre libelles contre les Bourguignons et les Anglais (141829), les ecrits politiques de Jean Juvenal des Ursins et en particulier son Traite compendieux de la querelle de France contre les Anglois (1446 ?), les Œuvres de Robert Blondel, l’Abrege des chroniques de France que Noel de Fribois offrit a Charles VII en 1459, le traite Pour ce que plusieurs relatif a la loi salique (1464). Comme doncques en l’an mil IIIIcXXII je veisse le roy anglois, ancien adversaire de ceste seigneurie, soy glorifier en nostre ignominieux reproche [...], j’ay conclut en ma pensee que la main de Dieu est sur nous et que sa fureur a mis en œuvre ce flail de
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