Mort inattendue du nourrisson en lien avec une addiction maternelle au tramadol
2021
Objectifs La dependance au tramadol (TR), antalgique morphinomimetique le plus prescrit en France, est une realite inquietante : obtention illegale en augmentation (enquete OPPIDUM 2018) et implication la plus frequente dans les deces, directs ou indirects (par ex. par noyade), par antalgiques : 49/119 deces de l’enquete DTA 2018. Nous rapportons ici un type particulier de deces : celui d’un nourrisson (Mort Inattendue du Nourrisson ou MIN) en lien avec l’addiction au TR d’un parent en periode de confinement lie a la pandemie de COVID-19. Methode Couche la veille au soir par le compagnon de sa mere, apres un biberon de jus d’orange et un bain, un enfant de 11 mois est retrouve decede dans son lit. L’autopsie revele une cyanose et une congestion polyviscerale, coherentes avec l’hypothese d’un deces par detresse respiratoire aigue. Resultats Les analyses toxicologiques (CL-SM/SM et CL-SMHR) mettent en evidence, a l’exclusion de tout autre toxique, du TR [sang cardiaque (SC) 6240 μg/L (toxicite adulte > 800 μg/L) ; urine (UR) 291 mg/L], de l’O-desmethyl-TR (O-DMT) [SC 902 μg/L ; UR 127 mg/L] et du N-desmethyl-TR (N-DMT) [SC 993 μg/L ; UR 39,8 mg/L]. Au-dela de questions d’ontogenie et du genotype CYP2D6 de l’enfant [CYP2D6*1/*17 coherent avec les ratios metaboliques (RM) SG et UR], ces resultats sont compatibles avec une administration de TR ayant entraine des effets toxiques majeurs potentiellement letaux (depression respiratoire severe, coma, convulsions, troubles cardiaques) chez cet enfant. Dans ce contexte d’empoisonnement, d’une coherence avec les declarations de la mere et de son compagnon [addiction maternelle au TR, et a cet usage, bouteille de jus d’orange preparee avec des comprimes de TR, accidentellement utilisee par le compagnon pour preparer le biberon (60 a 90 mL pris par l’enfant)] et de la question d’eventuelles administrations prealables de TR a ce nourrisson, une analyse des phaneres [cheveux et ongles] de l’enfant, de la mere, du compagnon et de la sœur (6 ans) de l’enfant est realisee [concentrations en pg/mg ; segments capillaires de 2 cm du proximal (S1) au distal (S3) ; nd : non detecte] : enfant [cheveux : TR 1420 (S1), 1622 (S2), 2736 (S3) ; O-DMT 16 a 38 ; N-DMT 34 a 100 (TR en quantite significative dans les bains de decontamination) – ongles : TR 584 ; O-DMT 8 ; N-DMT 15], mere [cheveux : TR 2340 (S1), 2150 (S2), 2500 (S3) ; O-DMT 704 a 1170 ; N-DMT 827 a 1360], compagnon [ongles : TR 72 ; O-DMT nd ; N-DMT nd] et sœur [cheveux : TR 261 (S1), 524 (S2) ; O-DMT 15 (S1), 16 (S2) ; N-DMT 20 (S1), 38 (S2)]. Les profils des concentrations capillaires, les RM dans les cheveux de l’enfant et de sa sœur comparables a ceux releves chez des employes de l’industrie pharmaceutique fabricant le tramadol [1] , les quantites de TR dans les bains de contamination, les concentrations faibles observees dans les ongles de l’enfant et du compagnon [2] : – confirment les prises repetees de TR par la mere ; – indiquent l’existence de contaminations externes (environnementales, sueur de la mere, sueur de l’enfant au moment du deces [3] ) pouvant, en sus d’une contribution par l’exposition in utero, expliquer la presence de TR dans les phaneres de la victime. Conclusion Ce cas edifiant illustre le risque (probablement favorise en periode de confinement, mais dans une mesure qui n’a pas ete evaluee a ce jour) d’intoxication pediatrique accidentelle liee a une addiction parentale au TR et l’interet d’analyser les matrices keratinisees (cheveux et ongles) de l’ensemble de la famille dans une telle situation.
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