Le BDSM et ses savoirs
2020
Bondage et discipline, domination/soumission et sadomasochisme (BDSM) Attestees au moins depuis le XVIII e siecle, les pratiques erotiques consistant a administrer et a recevoir de la douleur (ligotage, fouet, fessee, etc.) ou a adopter des roles de dominants et de soumis sont historiquement marquees du sceau de la pathologie. Dans son ouvrage Psychopathia Sexualis redige en 1886 et considere comme l'un des ouvrages fondateurs de la sexologie, le psychiatre austro-hongrois Richard Kraff-Ebing invente le « sadomasochisme ». S'inspirant des ecrits de Donatien Alphonse Francois de Sade (1740-1814) et de ceux de Leopold von Sacher-Masoch (1836-1895), il cree les termes de « sadisme » et de « masochisme », solidement unis dans leur opposition : le sadisme « veut supporter des douleurs et se sentir soumis » tandis que le masochisme « cherche a provoquer la souffrance et a violenter ». Selon l'analyse genree de Kraff-Ebing, la femme serait caracterisee par un instinct physiologique de soumission la ou l'homme serait caracterise par son « role actif » et sa « necessite de conquerir la femme ». Il faut attendre 1967 pour que soit brisee l'association des termes sadique et masochiste construite par Kraff-Ebing. Dans l'introduction de Venus a la fourrure, Gilles Deleuze considere que le sadisme et le masochisme sont deux univers differents : le premier se complait dans la souffrance de l'autre a condition qu'elle ne soit pas contractuelle et « en jouit d'autant plus que la victime n'est pas consentante », tandis que le second regle, par des contrats, les modalites diverses de sa soumission. A partir des annees 1990, le terme « sadomasochiste », trop entache de connotations psychopathologiques, est progressivement rejete par ses adeptes et remplace par l'acronyme BDSM, qui englobe l'ensemble des pratiques erotiques non conventionnelles ayant comme point commun une forme d'echange contractuel de pouvoir, et qui utilisent la douleur, la contrainte, l'humiliation ou la mise en scene de divers fantasmes dans un but erogene, educatif, disciplinaire ou amoureux. BDSM est forme a partir de trois autres acronymes : « B/D » pour « Bondage et Discipline », un ensemble de pratiques organisees autour de châtiments corporels et de restrictions physiques ; « D/s », pour « Domination et soumission », un ensemble de pratiques ou un « Dominant » prend le controle d'un « soumis ». Le D/s peut etre organise autour de jeux de role mettant en scene des corrections (nourrice/bebe, professeur/etudiant, patron/secretaire, maitre/chien, maitre/esclave, etc.). Enfin, « S/M » designe un ensemble de pratiques plus physiques, orientees vers la douleur corporelle et sa transmutation, par des processus chimicopsychologiques, en plaisir : plaisir de faire mal, plaisir d'avoir mal, montee des endorphines, depassement des limites, extase, entre adultes consentants. Les roles ne sont pas toujours fixes ou exclusifs, et le rapport consenti est susceptible d'etre interrompu ou module. Le « mot de surete » ou « d'alerte »le safeword en anglais-est l'un des dispositifs censes garantir que le jeu BDSM ne franchit pas les limites du consentement des partenaires. Pour autant, il s'agit d'entretenir la fantasmagorie selon laquelle le soumis abdique sa volonte, s'en remet entierement aux mains et au desir du dominateur : la contractualisation doit aller de pair avec l'affirmation de la souverainete du Dominant. Comme le resume Grangeon (2010, 25), le Dominantqui peut egalement etre une Maitresse-« correspond a cette fiction selon laquelle l'etat d'exception serait encore en relation avec l'ordre juridique au moment meme ou il le suspend ». Un jeu s'instaure a l'interieur meme des corrections et des punitions emotionnelles ou physiques infligees par le dominant lorsqu'il considere que le soumis s'est mal comporte,-eventuellement parce qu'il n'a pas respecte le contrat ou qu'il remplit mal son role-cadre par des regles tacites autour d'un depassement des limites… mais ce dans des limites acceptables. Il s'agit ainsi de maintenir consentement et pouvoir d'aller au-dela du consentement, contrat et fait du Prince, dans un meme script. Ce
- Correction
- Source
- Cite
- Save
- Machine Reading By IdeaReader
0
References
0
Citations
NaN
KQI