Changer le monde : les entrepreneurs du NUMA

2019 
Nathalie Luca (directrice de recherche au CNRS) et Romain Buquet (doctorant a l'ESCP Europe) ont passe une semaine dans une salle de reunion du NUMA (un accelerateur de start-up situe dans le second arrondissement de Paris) ou les start-uppers sont venus a tour de role se preter au jeu de l’interview filmee avec une tres forte envie d’expliquer qui ils sont et ce qu’ils font. « Changer le monde » a ete realise a partir de ces entretiens. Le film d’une duree de 50 minutes dans sa version actuelle interroge leurs conceptions de l’engagement, leurs croyances dans leur aptitude a modeler une societe meilleure a partir d'une entreprise pensee plus egalitaire, formee d'employes ou de stagiaires convaincus par le projet entrepreneurial. Les start-uppers oscillent entre la revendication d’un choix et le sentiment d’une vocation. Leur esprit d’entrepreprise s’est construit sur un heritage familial contre-culturel, en meme temps qu’il a necessite une conversion et s’est forge sur une resistance au salariat. Les start-up sont l’expression des nouvelles modalites de faire communaute opposees a celles des grandes entreprises, dans une logique tres proche de la relation dialectique weberienne entre la secte et l’Eglise, y compris en termes de passage d’un charisme personnel a un charisme de fonction. L’implication personnelle des jeunes start-uppers est intense. Ils creent leur entreprise parce qu’ils ne croient plus en la capacite du politique ou du religieux de creer un monde plus juste et ont besoin de se sentir acteurs de leur devenir et du devenir de leur societe. Ils decrivent leur engagement a la fois en terme de contrainte societale et de vocation. Ils s’y donnent pleinement au nom d’un ideal qu’ils entendent realiser, un ideal qui n’est pas une abstraction ou un but inatteignable, mais, tel que le definit Dewey, une succession de realisations concretes offrant la possibilite d’un depassement de soi et d’une mise en mouvement societale. « Changer le monde », le reenchanter, est leur reve et le mot d’ordre a partir duquel ils se mobilisent sans reste et jusqu’a se mettre en danger, financierement et physiquement. Reve d’une entreprise sans hierarchie, reve d’une entreprise qui par l’action s’engage politiquement pour le collectif, reve d’un charisme personnel permettant d’etre suivi dans son projet par des « boules d’amour » (dira Coline Debayle, co-fondatrice de Artips) aussi motivees et moteurs qu’eux, reve d’une communaute d’entraide et de partage. Tous s’investissent dans leur travail au point qu’il absorbe toute leur vie, ne leur laissant le temps de cotoyer que leurs pairs. Leurs conditions de travail les isolent aussi surement que le moine dans son cloitre, acceptant, un temps au moins, de mettre leur vie entre parentheses."
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