Pseudo-ulcère de Mooren révélant une polychondrite atrophiante

2018 
Introduction La polychondrite atrophiante est une affection rare auto-immune caracterisee par la survenue d’episodes recurrents d’inflammations du tissu cartilagineux avec une predilection pour le cartilage du nez, de l’oreille, et de l’arbre tracheobronchique associes a des manifestations systemiques articulaires, audio-vestibulaires, ou cardiovasculaires. Une atteinte oculaire peut survenir dans 60 a 70 % des cas. Observation Une patiente de 34 ans consultait en Ophtalmologie pour une douleur au niveau de l’œil gauche associee a un chemosis, un larmoiement et une photophobie. Parmi ses antecedents on retrouvait : une urticaire chronique, une polyarthralgie de la hanche droite, du poignet gauche et des chevilles, et une secheresse buccale. L’examen ophtalmologique objectivait une hyperhemie et un œdeme conjonctival sans baisse de l’acuite visuelle. Au niveau corneen, on retrouvait a la lampe a fente un ulcere temporal creusant positif a la fluoresceine a fond propre avec intervalle libre avec le limbe et infiltration du stroma corneen, evocateur d’un pseudo ulcere de Mooren. La patiente presentait par ailleurs une douleur avec œdeme au niveau du cartilage de l’oreille du nez et une dysphonie. Le bilan biologique montrait un syndrome inflammatoire modere et une augmentation isolee des anticorps anticardiolipide IgG (32 Unites GPL-U/mL) ; les ANCA etaient negatifs. Le TEP scanner n’objectivait aucune anomalie de fixation particuliere. Les explorations fonctionnelles respiratoires etaient normales sauf un aplatissement des courbes en faveur d’une possible obstruction tracheale. Le diagnostic de polychondrite atrophiante fut pose et une corticotherapie (prednisone 0,5 mg/kg) etait instituee. L’evolution a ete marquee par une rapide diminution de l’inflammation cartilagineuse et oculaire. Il persistait cependant une gene laryngee intermittente. Discussion La PCA est une affection rare, chronique, potentiellement grave et invalidante. Elle est caracterisee par des episodes recidivants d’inflammation de certaines structures cartilagineuses, principalement le nez, le pavillon de l’oreille, le larynx et l’arbre tracheobronchique associees a des manifestations systemiques : polyarthrite aigue intermittente et non erosive, lesions des gros troncs arteriels, atteinte audio-vestibulaire, atteinte oculaire, manifestations cutanees et neurologiques. L’atteinte oculaire survient dans 60 % des cas au cours de la maladie et peut etre revelatrice dans 15 % des cas. Les atteintes les plus frequemment rencontrees sont l’episclerite et la sclerite qui peut etre diffuse, nodulaire ou necrosante volontiers recidivante. Les autres structures de l’œil peuvent etre atteintes : conjonctivite, keratite chorioretinite, uveite, neuropathie optique ischemique, exophtalmie. L’ulcere de Mooren est un ulcere corneen peripherique douloureux, uni ou bilateral. L’ulcere corneen peripherique au cours de certaines maladies auto-immunes peut etre en tout point semblable a l’ulcere de Mooren ; on parle alors de pseudo-ulcere de Mooren. La prise en charge repose sur la corticotherapie locale en association a une corticotherapie par voie generale si la reponse n’est pas satisfaisante ou si l’affection causale le justifie. Les immunosuppresseurs et les resections conjonctivales chirurgicales trouvent leurs indications dans les formes graves. Chez notre patiente nous avons eu recours aux corticoides locaux associes a une corticotherapie orale avec une bonne reponse. Conclusion La polychondrite atrophiante est une affection auto-immune rare d’evolution recidivante parfois severe. L’atteinte oculaire est habituelle au cours de la maladie pouvant etre inaugurale comme en temoigne cette observation. La presence d’un pseudo ulcere de Mooren doit faire rechercher cette etiologie.
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