Depuis 2007, l’action publique agro-environnementale francaise (Mesures agro-envionnementales, captages grennelle, plan Ecophyto) mobilise differents indicateurs pesticides pour evaluer l’atteinte des objectifs de preservation de la qualite de l’eau fixes par la directive cadre sur l’eau. La recherche developpee ici est un travail methodologique exploratoire s'interessant a toutes les etapes de la chaine causale du risque (pression, transfert, etat, impact) en l’appliquant a l’indicateur pesticide IFT Substance active « potentiel de transfert ». La methodologie developpee s’appuie sur une demarche integrative de trois types de confrontations (indicateur /modelisation, modelisation / mesures chimiques et mesures chimiques / descripteurs biologiques) mobilisant quatre types de resultats intermediaires : (i) un calcul du potentiel de transfert de pratiques phytosanitaires estime par l’indicateur IFT SA potentiel de transfert, (ii) une modelisation du transfert de ces memes pratiques estime par deux modeles agro-hydrologiques (SWAT et MACRO), (iii) des mesures chimiques de pesticides dans les eaux de surface et (iv) des mesure de descripteurs biologiques de la qualite de l’eau. La demarche a ete testee sur les bassins versants du Ruine en Charente (413 hectares de SAU a dominante vigne et grandes cultures) et de la Morcille dans le Beaujolais (175 ha de SAU en vigne). Les 23 agriculteurs presents sur le Ruine ont tous ete enquetes permettant de recueillir l’information des pratiques agricoles sur 81 % la SAU pour 2012/2013. Sur la Morcille, les enquetes ont concerne 30 viticulteurs (couvrant 50 % des pratiques de la SAU). Les mesures de pesticides preleves ont ete realisees grâce a l’utilisation d’echantillonneurs passifs (POCIS) pour le Ruine et a partir d’echantillonnages ponctuels sur la Morcille. Les communautes de diatomees naturelles ont ete echantillonnees sur les deux sites, sur des substrats artificiels immerges pour une duree de 1 mois, correspondant aux pas de temps d’echantillonnage pour les analyses chimiques. Le calcul de l’indicateur IFT SA Potentiel de transfert a ete partiel car conditionne par la presence des substances actives dans la base de donnees nationale SIRIS. Les valeurs calculees de l’IFT potentiel de transfert mobilisees pour la confrontation concernent les risques ESU sur le Ruine et ESO et ESU sur la Morcille. La confrontation des resultats entre les valeurs calculees de l’indicateur IFT SA ‘Potentiel de transfert’ et les valeurs de flux pesticides estimees par la modelisation a ete conduite (i) sur le Ruine pour 7 substances actives (Aclonifene, Glyphosate, Mancozebe, 2,4 – MCPA, Tebuconazole, S_Metolachlore et Metaldehyde) avec le modele SWAT et (ii) sur la Morcille pour 7 autres substances les plus utilisees sur la vigne (Aminotriaziole, Glyphosate, Diuron, Flazasulfuron, Flumioxazine, Spiroxamine et Tebuconazole) avec MACRO. L’unite spatiale de confrontation des resultats est respectivement le Sous Bassin Versant pour le Ruine et la parcelle agricole pour la Morcille. La periode temporelle de confrontation est la saison culturale. Le systeme d’information environnemental mobilisant l’outil Spatial On-Line Analytical Processing, construit dans un precedent projet interne Irstea, a ete developpe et applique au Ruine, permettant de calculer et restituer les differents types d’information. Les resultats de la premiere confrontation a l’echelle de la parcelle agricole montrent que l’IFT SA potentiel de transfert, en differenciant les classes de mobilite dans l’IFT global, apporte une information supplementaire a l’IFT SA quant a la mobilite potentielle des substances utilisees. Sur la Morcille, la confrontation montre une bonne coherence entre les valeurs de l’IFT SA potentiel de transfert vertical et horizontal et celles modelises par MACRO (flux normalise par la dose unite). Les parts relatives des classes de mobilite forte, moyenne et faible montrent une hierarchie en general identique entre IFT SA potentiel de transfert et resultats de modelisation normalisee par la dose unite. Par ailleurs, a la fois le modele et l’indicateur IFT SA potentiel de transfert montrent une plus grande part des substances de classe faible dans les flux verticaux normalises par la dose unite (flumioxazine, tebuconazole et spiroxamine) alors que c’est la classe moyenne (tebuconazole, spiroxamine et flazasulfuron) qui est la plus representee dans les flux horizontaux normalises par la dose unite. Enfin, il est observe que les substances ayant une classe forte de mobilite SIRIS correspondent bien aux substances presentant les plus forts transferts (g/ha) mais que ces derniers peuvent cependant etre sous estimes par la modelisation notamment du fait d’une mobilisation tres faible du glyphosate modelisee. Par ailleurs, il apparait que la part de chaque classe de mobilite dans le flux total normalise par la dose unite calcule par MACRO est relativement sensible au croisement « date d’application et date d’occurrence de pluies significatives », que ce soit pour les transferts verticaux ou horizontaux. Ainsi, les conditions de mise en ½uvre des produits (notamment occurrence de fortes pluies peu de temps apres application) peuvent engendrer des situations de pire cas susceptibles d’exacerber la mobilite modelisee des substances classees en classe de mobilite SIRIS faible a moyenne comparativement aux substances classees en classe de mobilite SIRIS forte. Sur le Ruine, la confrontation a l’echelle des 13 sous-bassins (delimites par le modele SWAT) a ete realisee a partir d’un test de correlation sur les rangs (Spearman) et montre des resultats significatifs et positifs uniquement pour le mancozebe (fongicide applique sur la vigne) (correlation proche de 0,8 pour une p-valeur inferieure a 0,10). Pour les six autres substances actives, les valeurs de correlation proches de 0,5 ne permettent pas d’avancer des conclusions sur les liens entre IFT SA Potentiel de transfert et sorties de modelisation. Les resultats de modelisation montrent egalement que les conditions d’usage des pesticides (concomitance des dates d’application avec des pluies suffisamment intenses) peuvent engendrer des pics de transfert ponctuels que l’IFT SA potentiel de transfert calcule sur une annee culturale n’est pas en mesure de mettre en avant. Les resultats de la seconde confrontation entre concentrations en pesticides mesurees dans les eaux et les sorties des modelisations a l’echelle des deux sous bassins (SWAT et MACRO) montrent une bonne concordance (memes ordres de grandeur). Les analyses convergent vers la mise en evidence d’un gradient de contamination croissante le long de la Morcille et une modification de la composition de la pression pesticide (dans les memes ordres de grandeurs) entre les 2 sites du Ruine. La troisieme confrontation entre les mesures chimiques de pesticides et l’impact biologique mesure in situ a permis d’identifier les descripteurs biologiques les plus pertinents pour l´evaluation du risque toxique ainsi que les substances phytosanitaires responsables de la toxicite vis-a-vis des microalgues. Les trois types de descripteurs biologiques retenues (indices diatomiques, indices de biodiversite et presence d’especes particulieres) montrent une variabilite saisonniere tres importante de la contamination chimique sur le Ruine. Cette derniere se traduit par des variations coherentes des indicateurs biologiques et chimiques sur le Ruine alors que ces derniers traduisent le gradient d’exposition amont-aval constate le long de la Morcille. Les indices biologiques d’evaluation de la qualite globale traduisent plus des variations saisonnieres dans la composition specifique des communautes, mais ne mettent pas en evidence d’alteration trophique majeure.